Culture – Portraits – Biographies – Hommages – Contributions

Cet espace est ouvert à toutes et à tous. Il demande à être enrichi d’un contenu riche en savoir et en information mais sans rien sacrifier en termes de qualité et pertinence des sujets abordés. 

Toute personne souhaitant contribuer un article, partager une histoire intéressante, une interview, une biographie, un poème, rendre un hommage…voir tout ce qui pourrait intéresser les visiteurs de notre site web, et par extension virtuelle notre région, est priée de nous contacter afin de soumettre sa contribution à notre éditeur avant sa publication. Alors, à vos plumes ! plutôt à vos claviers, virtuels et physiques 😊

Contribution au débat sur le devenir du village.  

Si d’aventure l’incurie persiste à l’emporter sur la militance et l’engagement, le village, pour la énième fois, s’en trouvera plus que jamais exposé aux quatre vents.

Autrefois, nous dit-on, tout habitant du village qui se refuse à planter dix arbres par an passe à l’amende. Quant aux litiges,quelle qu’en soit la nature, ils se règlent sur la base du droit coutumier qui s’exprime à travers la djemaa où les lois sont élaborées dans une ambiance égalitaire. Le code dont il s’agit, aujourd’hui jugé ringard, fait primer sans contredit l’intérêt du groupe sur celui de l’individu, quand bien même celui-ci aurait voix au chapitre. De plus, toute infraction à ce dispositif donnait lieu, soit à des sanctions financières, soit au bannissement, le droit pénal n’ayant jamais existé chez les Kabyles. Il aurait fallu que la France l’instaure pendant la colonisation. L’ordre traditionnel a régi ainsi le village durant plusieurs siècles. Sans discontinuer. Et la république villageoise, jusqu’à preuve du contraire, était en accord avec elle-même, soit avec ses propres membres. Ceci est d’autant plus vrai que l’environnement était propice, en ce sens que le pays kabyle, dans sa globalité, était soumis au même mode de gouvernance. De la confédération (Taqbilt) jusqu’au Çof (le rang), les règles sont universelles, c’est-à-dire les mêmes pour tous les villages qui sont plus ou moins autonomes les uns des autres. La Kabylie, de par son histoire, n’a jamais connu le pouvoir central. Pour l’anecdote, Abdelkader avait tenté une fois d’en être le sultan, mais il a été rabroué sur-le-champ par la formule suivante : « Cette fois, en tant qu’hôte de passage, et conformément à la coutume, nous t’offrons le couscous blanc, mais si par hasard tu oses un jour revenir dans les parages, c’est le couscous noir (la poudre à canon) que tu vas devoir manger ».   
Pour revenir à nos moutons, et si mes références sont exactes, cette période de sérénité dura jusqu’à 1869, date à laquelle les assemblées de villages sont dissoutes au nom de la loi sur les attroupements. En réalité, elles sont révoquées en tant qu’instances politiques. Répandre le trouble est une stratégie politiquement rentable pour les nouveaux conquérants. Elle permet d’abord de jeter la population dans le désarroi, avant de pouvoir la contrôler dans un but de pacification. Et, du coup, déstructurer la société selon les besoins de la conquête. En outre, la grande insurrection de 1871 ne manquera pas de chambouler dans de graves proportions la configuration préexistante, en ce sens qu’elle provoque une désorganisation sans précédent, à tel point que les conséquences se font sentir encore aujourd’hui dans la Kabylie entière. La rupture, soit-dit en passant, aura duré 74 ans pendant lesquels le pays kabyle se comportait comme une arche à vau-l’eau. Car ce n’est qu’à partir de 1945, soit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que les autorités coloniales statuent, entre guillemets, sur le rétablissement de l’ordre villageois. Or, l’initiative, purement formelle, se révèle inapte à combler près d’un siècle de discontinuité.     

Toujours est-il que les comités, sur les ruines de l’ancienne organisation, avaient tenté tant bien que mal de se reconstituer à la faveur de la nouvelle conjoncture. Et, là encore, cet effort de restructuration paraîtra stérile dans la mesure où il sera contrarié par la guerre de libération qui, survenue du fond de la nuit, apportera son lot de cassures et de déstabilisations.  

Après l’indépendance, la situation n’est guère mieux. Le FLN, nouveau parti-État, multipliant les ingérences, directement ou par procuration, aggrave davantage les dysfonctionnements. Le parti unique, désormais prépondérant, assoit donc sa suprématie via ses larbins locaux, qui à vrai dire lui servent de relais. Dans cette catégorie, on retrouve pêle-mêle des notables arabisants, des religieux, des administratifs, des gros commerçants ainsi que des conservateurs de tout acabit. Leur pouvoir, invisible et tentaculaire, est tel qu’il étouffe toute expression politique en dehors du cadre du parti. Au cours des élections, par exemple, ils parviennent sans coup férir à imposer le candidat de leur choix à des fins tribales. Les projets de développement sont fonction de rapports de force à l’intérieur de cette “société secrète”. dès lors certains villages sont mieux nantis que d’autres. Pour s’en convaincre, il suffit de tenir compte des disparités en matière d’octroi d’avantages. Sinon pour quelle raison une route ou un chemin vicinal seront-ils bitumés dans tel endroit plutôt que dans un autre ? Et ceci n’est rien de moins qu’un petit exemple parmi tant d’autres.    

À l’évidence, ce type de pratiques est une entrave au développement global de la région qui est en soi l’une des plus pauvres de la wilaya de Tizi-Ouzou.   

En guise de conclusion, il serait peut-être nécessaire de renouer avec l’ancien modèle d’autogestion, de sorte à assainir le village dans un cadre réaliste à l’abri des interférences externes. Taddert-Oufella étant un village historique (sa fondation daterait de huit à neuf siècles), sa sauvegarde s’impose alors comme une nécessité, voire une obligation dont il importe de s’acquitter pour honorer la mémoire des ancêtres. Et je précise encore une fois qu’il est important de remettre en avant les ancêtres pour affronter les enjeux ou, du moins, subir avec moins de rigueur l’assaut du temps présent.

Quant aux règlements d’antan, il y a lieu de les remettre au goût du jour en essayant de les rénover dans une optique avant-gardiste à même d’impulser une dynamique nouvelle, laquelle intégrerait des référents modernes (identitaires, culturels et écologiques, entre autres), histoire d’articuler le village au monde extérieur, soit à la Kabylie ou, de façon plus générale, à l’Algérie entière, dans un esprit d’ouverture, d’interaction et de complémentarité.  

Mais si d’aventure l’incurie persiste à l’emporter sur la militance et l’engagement, le village, pour la énième fois, s’en trouvera plus que jamais exposé aux quatre vents.   

Auteur : Hocine MEKSEM.

Vos commentaires

Votre avis nous intéresse, n'hésitez donc pas à nous le donner ou à nous faire partager votre expérience, ou à nous faire des suggestions afin d'améliorer notre site pour qu'il réponde au mieux à vos attentes,
Recherche